Arrivée a Pingyao
Départ de Beijing en train rapide, on croise la zone urbaine grise, polluée?, grugée de ce qui semble des colonnies futuristes, des tours plus énormes les unes que les autres. Notre vitesse de croisière une fois en campagne atteint les 250 km/h, grisant, pied de nez… Paysage vallonné, ou plat en culture, vert, habité, travaillé, ca vit, c’est humble mais ca semble fonctionner.
On débarque a la gare TGV de Pingyao, une dizaine de touristes occidentaux, une centaine chinois. On repère le bus 108 qui doit nous amener a notre guesthouse, porte du nord (Beimen). Installée dans le bus, je repère les Occidentaux tirant leur valise a roulettes suivant un guide en direction d’un minibus. Je me dis « ils doivent être dans un bon hôtel dans la vieille ville » (Pingyao regorge de beaux hôtels dans des maisons traditionnelles), « ils seront surement douchés et a table avant qu’on arrive a la guesthouse ». On attendra 45 mins dans le bus, avec les locaux de tous bords, le vieux qui crache a cote de nos sacs a dos posés sur le sol, les jeunes étudiants qui rentrent dans leur famille pour le weekend, le conducteur qui fume et nous enfume en attendant l’heure du départ, et nous impose son choix musical via son mobile bluetooth. On mettra 1h30 avant d’arriver a notre guesthouse, dans le quartier des garages, au fond d’une ruelle sombre, éclairée par 2 lanternes rouges, un coupe-gorge dans Tintin et le Lotus Bleu.
La magie du voyage? plus difficile de la sentir lorsqu’on est tributaire de valises a roulettes? On passe a cote des crachats, des odeurs, des railleries de la Britney Spears chinoise du moment. Dans un taxi, Shems et Aram ne seraient pas au fond du bus, la tête par la fenêtre, a regarder la nuit défiler et respirer le diesel, le sourire aux lèvres, des étoiles dans les yeux, les cheveux au vent.
Le deuxième soir je papote avec un Serbo-australien du guesthouse, pendant que mes 3 poussins sont au lit dans notre kang (grand lit familial de 3-4m, socle en briques avec pierre ollaire integré, ou l’on dort, dine, se repose…chambre a coucher, salon, cuisine, 3en1) en train de lire. Il me raconte, en substance, la Yougoslavie dans laquelle il a grandit et qu’il retrouve ici. « On avait rien, on était tous pauvres, personne ne possédait rien sauf ses affaires personnelles, mes parents n’étaient propriétaires de rien ; voiture, appartement, tout était pourvu par l’employeur via l’ état, mais on était bien, on avait les uns les autres, on s’amusait bien, on était tous dans la même situation. Pas de mendiants, pas d’indigents malades dans la rue. Ici c’est la même chose, ils sont tous pauvres mais tous ensemble. L’argent c’est important, mais ca n’est pas tout. Je revois ici la même chose que j’ai connue dans mon enfance, avant la guerre, les gens sont heureux, ils te sourient, même s’ils n’ont rien. » On est tous nostalgiques de son enfance, mais quand même, ca titille… Il me dit avoir lu sur certaines régions les plus pauvres de Chine avant de venir, notamment la province du Yunnan. Ces villages étaient dans une misère et famine noires depuis la 2eme guerre mondiale. Durant les 15-20 dernières années l’état a reconstruit, amené services et infrastructures, salubrité, hygiène, santé, et les emplois qui vont avec. Ces gens sont toujours pauvres, ils n’ont toujours rien, mais ils vivent décemment. L’état pourvoit a leurs besoins basics. Propagande idéologique? C’est en tous cas un bon moyen de solidariser la masse avec l’état. Et les faits sont la, il y a plus de villes (pas bidons-villes) de millions d’habitants en Chine que nulle part ailleurs. Les faits dépassent l’idéologie, et souvent, ils la tuent lorsqu’il y a discordance qui persiste. Même si l’humain en perte de repères s’y accroche longtemps. Chacun est apte a juger par lui-même. Perso, entre la famine, la misère, l’insalubrité, les maladies mais la liberté, versus nourriture, services, santé mais obédience, mon cœur balance…(- :
Voila peut-être un début de réponse a mon questionnement sur mon ressenti envers la population russe versus chinoise. Ici la masse semble solidaire avec l’état via les faits, idéologiquement bon gré mal gré. En Russie, l’état était déjà miné par des années de capitalisme d’état spoliateur (décadent). La transparence initiée par Gorbi et son successeur a finalisé la ruine de l’état en privatisant tous ses actifs, en ouvrant la manne aux rapaces privés, qui ont tout raflé. De capitalisme d’état défaillant (désolidarisé de la masse car ne pourvoit plus aux besoins basics des gens) ils sont passés au libéralisme absolu qui ne sert que le 1 % et laisse sur le carreau les 99%…on connait chez nous aussi…Ils ont le pire des 2 systèmes, 2 maitres spoliateurs et démissionnaires: l’état défaillant et l’opportunisme capitaliste, sans moyen de faire machine arrière…pour l’instant…de quoi faire grise mine. Est-ce que la Chine suit/suivra le même chemin ? Je ne crois pas plus au hasard qu’a la fatalité…
Par contre, sans réveil en Europe, on y va aussi. Même si nos contrats sociaux avec l’état sont plus résistants, ils n’en sont pas moins en décadence depuis des années maintenant, les faits parlent d’eux-mêmes…Nos états sont décadents a l’image de nos homme politiques, et de nos institutions, qui pourvoient de moins en moins a nos besoins élémentaires (différents de la moyenne chinoise certes, plus aliénés?) tout en accaparent de plus en plus de ressources…quelle diatribe tot le matin..Merci la Chine!