Médecine traditionnelle, taoïsme, idolâtrie

Jusqu’à maintenant, soit d’après ce que j’ai vu en arpentant les rues de Beijing, Pingyao, Xian et Chengdu, ca se résume aux multiples pharmacies qui proposent chimie et racines, herbes et champignons en tous genres, a petite échelle ou a grande échelle, dans ce cas avec un (voire plusieurs) vieux monsieur en blouse blanche prêt a légitimer d’une ordonnance tout achat au royaume des grands groupes. Il y a aussi les massages des pieds a la tête, des oreilles avec méga-pince a épiler ( on n’ a pas essayé, a cause des pincettes-forceps, ou a cause de l’expression des patients ?). Nous sommes passés par plusieurs hôpitaux universitaires, similaires a ceux occidentaux mais plus grands bien-sur, et inaccessibles aux curieux. Et quelques échoppes avec lit de massage qui semblent offrir plus de soins, acupuncture peut-être ? souvent tenues par une personne d’âge mur, sans chichi mais avec des plantes et schéma intéressants…malheureusement pas de conversation possible de notre coté.

En interrogeant le citoyen lambda, aux détours d’un café ou hostel, donc plutôt de classe moyenne (un estimatif de 800’000 personnes de classe moyenne dans le pays, plus que US et EU réunis!) le schéma semble le suivant: médecine traditionnelle pour les petits maux, et lorsque c’est plus sérieux, on passe a la chimie et/ou a la chirurgie. L’usage de l’acupuncture en anesthésie en milieu hospitalier (CAMA) par exemple étonne, ca ne semble pas être une option connue…et pourtant  ces interventions nous (me) fascinent, comme bien d’autres pratiques orientales…Mes interlocuteurs semblent souscrire aux avantages d’une approche traditionnelle holistique, tout en consommant docilement chimie et autres pratiques intrusives…L’explication qu’on me donne est liée a l’espace-temps: plus le temps de prendre le temps de se soigner, les préparations traditionnelles et ses résultats demandent patience et intention focalisée, de même que les études de cet art qui sont plus de l’ordre de la vocation …tous deux incompatibles avec les aléas de la vie moderne qui eux, exigent efficacité et solution immédiate. Pas (plus) le temps de prévenir? D’avoir la foi en une autre manière de faire ? plus de foi en rien, que des résultats a court-terme. Souci et besoin d’efficacité immédiate ? parce que c’est plus facile et plus moderne ? Difficile a croire que quelques décennies de relative ouverture sur les marchés, sur l’extérieur, puissent mettre a ce point de coté les connaissances traditionnelles et la conscience thérapeutique, ou alors n’ont elles jamais vraiment été présentes a grande échelle, que dans les campagnes ou les moyens ne permettent encore aujourd’hui rien d’autre…

Une autre explication possible, corroborée par les noms souvent chinois des laboratoires : le gouvernement central aura décidé d’entrer sur le marché pharmaceutique, microtechnique, etc. « for the geater good »…intérêts économiques globalisés obligent. Après tout ils ont raison de préférer satisfaire eux-mêmes la demande de leur 800’000 citoyens aisés plutôt que laisser Novartis et Bayer le faire a leur place. La plupart de leurs voisins ont fait l’erreur contraire, généreusement aidés par la BM/FMI et ses acolytes, soit faire table rase des traditions et connaissances séculaires par souci (complexe) idéologique de modernité, et ont vendu leur marché intérieur aux intérêts privés étrangers. C’est le mensonge de la privatisation dans le business du soi-disant développement.

Point lumineux dans la pénombre du monde de la marchandise: le taoïsme. Des 3 religions, confucianisme, bouddhisme et taoïsme, celle qui nous plait le plus. On s’attarde dans ses temples ou il fait bon vivre, bavarder, s’attabler. On aime sa philosophie, el camino, le chemin, le tao. On aime le ying et le yang, l’harmonie des contraires, plutôt que l’exclusion cartésienne de l’un par l’autre, la lutte de l’un contre l’autre qui aboutit inévitablement a la soumission de l’un par l’autre, du féminin par le masculin, chez les hommes comme chez les femmes…on aime le I Ching, son symbolisme, ses démons et ses sages a la protubérance frontale et aux habits chatoyants, et sa géométrie atomique et céleste…

Le taoïsme c’est aussi le chemin d’Ursula K.Leguin qu’on a pris avec nous sous forme de Kindle. Aussi attrayants ses temples et sympathiques ses moines, ca n’en reste pas moins une religion ici, qui, comme toutes religions modernes a besoin d’adeptes pour survivre. L’idolâtrie qui s’y rattache est par nature aliénante, même si sans doutes moins que dans d’autres dogmes. Aliénante car elle prive l’homme des qualités que celui-ci investit dans les objets et figures qu’il idolâtre. Comme diraient les enfants, l’idolâtrie « c’est comme quand tu adores une paire de jeans a tel point que tu ne veux pas sortir sans: tu mets ta beauté et ta confiance dans les jeans, au lieu de les laisser en toi. C’est comme Voldemort qui sépare son âme en 7 morceaux », et de ce fait s’aliène, soit s’affaiblit en croyant être plus fort.
L’idolâtrie d’H&M, d’Harry Potter, des voitures, d’Hollywood, de l’apparence, de l’image, de l’argent, des marchandises occidentales et de sa chimie…merci les enfants!